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Journal d'un nomade

Restless, shifting, fugacious as time itself is a certain vast bulk of the population of the red brick district of the lower West Side. Homeless, they have a hundred homes. They flit from furnished room to furnished room, transients forever - transients in abode, transients in heart and mind. They sing "Home, Sweet Home" in ragtime; they carry their lares et penates in a bandbox; their vine is entwined about a picture hat; a rubber plant is their fig tree. (O. Henry)

Les langues, une passion

« Es-tu un linguiste ? »

Tu m’as posé la question : « Es-tu un linguiste ? ». Non, je ne suis pas linguiste mais les langues m’intéressent et me passionnent. La première langue qui m’a accroché est l’arabe classique. Jusqu’à ma 5ème année du secondaire je lisais exclusivement en arabe. Je lisais à la fois des textes classiques et modernes. D’ailleurs mon choix du français comme langue d’écriture est un choix provisoire. Une sorte d’exil volontaire.

Le premier livre que j’ai lu en français est un roman russe ! Il s’agit de « La Fille du Capitaine » de Pouchkine. Je n’ai jamais suivi le conseil des profs : « Vous n’êtes pas tenus de connaître le sens de chaque mot. Il faut seulement comprendre le sens de la phrase ». Je m’arrêtais à chaque mot nouveau, j’ouvrais le dictionnaire et je notais ses explications, accompagnées d’exemples, sur un petit carnet de notes. Les enseignants nous conseillaient d’utiliser un dictionnaire monolingue, mais je tenais à comprendre le sens des mots français en arabe. Donc c’est un dictionnaire français-arabe, Al-Manhal de Souheil Idriss et Jabbour Abdennour, qui m’a accompagné dans mon voyage initiatique dans le royaume des Francs.

Idem pour l’anglais. Le dictionnaire anglais-arabe Al-Mawrid, offert par mon père au début de mon année du bac, était mon compagnon de route dans les chemins, parfois abrupts, de la langue de Shakespeare. C’est seulement après le bac que je suis devenu collectionneur de langues et de dictionnaires.

Ce n’est pas un hasard si j’ai commencé par l’allemand. Pendant l’année du bac, un ami qui préparait ses examens d’allemand m’a récité un poème de Bertolt Brecht « Legende vom toten Soldaten » (la légende du soldat mort). Bien sûr, je n’ai rien compris mais j’ai été séduit par le rythme. J’ai pris la ferme décision d’apprendre cette langue. C’est le Centre Culturel Allemand de Tunis (Goethe Institut) qui m’a donné les premiers outils pour comprendre, quelques années plus tard, le poème de Brecht. Tout en continuant mes cours d’allemand, je me suis inscrit à un cours de langue au Centre Culturel Russe. Je n’oublierai jamais le nom de famille de mon premier prof de russe : Ettounsi !

En ce qui concerne l’anglais, ce sont mes études universitaires qui m’ont permis d’approfondir mes connaissances de cette langue aussi insaisissable que le mercure (Le vocabulaire de l’anglais est proche du million !). L’italien je l’ai appris grâce à la Rai, appelée affectueusement « Mamma Rai », la télé publique italienne. J’ai commencé à comprendre les dessins animés, puis les émissions d’infos, enfin les films et les téléfilms. Lorsque j’ai voulu m’inscrire pour la première fois à un cours avancé d’italien donné par la section culturelle de l’ambassade d’Italie, j’ai dû mentir pour être cru. Je ne pouvais pas dire : « J’ai appris l’italien par la télé », j’ai dû inventer une histoire. C’était ma première fiction !

Ayant fait le tour de presque tous les centres culturels de Tunis, il ne me restait plus qu’à conquérir le royaume d’Espagne ! Mais l’espagnol est une langue facile à acquérir, difficile à conquérir. Je ne parle pas de la compréhension mais de la rédaction. En révisant ma traduction de mon propre texte (« La rue qui n’existe pas ! ») en castillan, une amie équatorienne m’a ouvert les yeux sur certaines nuances qui échappent aux non-natifs de la langue espagnole. Leçon : on ne finit pas d’apprendre.

Aucun ne peut prétendre maîtriser parfaitement une langue étrangère. Le processus d’apprentissage continue chaque jour. D’ailleurs, les scientifiques ont fait une découverte étonnante : la langue maternelle occupe dans le cerveau une aire distincte de celle des langues apprises. En plus, un polyglotte est comme un polygame. En s’occupant trop d’une épouse, il risque de perdre les autres. On peut aussi le comparer à un équilibriste de cirque qui saute sans cesse entre plusieurs cordes. Avec chaque saut qu’il fait d’une corde (=langue) à l’autre, il risque de se casser le cou !

Un(e) enseignant(e) ne peut t’offrir une langue sur un plat d’argent. Les profs de langue te donnent des clefs pour déchiffrer, guident parfois tes pas trébuchants, mais sans efforts individuels, sans travail d’autodidacte, on reste au stade du bégaiement pendant toute sa vie !

En ce qui concerne mes connaissances linguistiques, il n’y a aucun secret. Il y a sept règles d’or que je donne à tous ceux qui apprennent ou perfectionnent une langue étrangère :

  1. L’oreille doit être exposée à cette langue chaque jour. Tous les moyens sont bons : radio, télé, vidéos, contacts avec les natifs de la langue etc.
  2. La lecture est indispensable. On commence par un paragraphe par jour. Puis une page etc. Il faut noter les mots nouveaux et les explications données par le dictionnaire.
  3. La répétition. La relecture de textes, la re-vision de cassettes vidéo, re-audition de cassettes audio contribuent à la mémorisation des mots et des expressions, et aident le cerveau à produire des phrases correctes pendant la conversation ou l’écriture.
  4. La consultation permanente du dictionnaire est indispensable à la compréhension et à la mémorisation du vocabulaire.
  5. Les manuels de grammaire et de conjugaison sont des outils incontournables pour percer les secrets intimes d’une langue.
  6. Les livres bilingues sont très utiles lorsqu’on fait ses premiers pas dans la lecture littéraire. Il faut essayer de comprendre le sens du texte original sans lire la traduction. Cette dernière est le dernier recours lorsque le sens de la phrase échappe malgré les explications du dictionnaire.
  7. La pratique de la langue. C’est le volet le plus difficile de chaque apprentissage linguistique. On passe du stade passif (la compréhension) au stade actif (la production de phrases). La production orale est évidemment plus difficile que la production écrite, car le temps de réflexion est réduit à quelques fractions de seconde. Il faut surtout surmonter un blocage psychique : la peur de faire des fautes. Mais ce sont précisément ces fautes qui, corrigées par l’interlocuteur, nous aident à nous perfectionner !

En réponse à ta question : « Les langues sont ton métier ou ton hobby ? », je te réponds : les deux. Je crois que c’est Montaigne qui a dit: « Je fais tout dans la joie ! »

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