16 Février 2016
Mouna part à la retraite, puis revient
Aujourd’hui c’est le dernier jour de travail de Mouna. L’heure de sa retraite vient de sonner. Une retraite méritée, après une impeccable carrière de trente-cinq ans. Pendant ces trois décennies et demi, Mouna a toujours exercé le même emploi: agente de sécurité au siège de la banque Québéfort. Mouna n’a rien à raconter. Il n’y avait jamais eu le moindre incident pendant ses heures de travail. Aucun cambriolage, aucun incendie, aucune bagarre entre un employé et un client, aucune coupure d’électricité.
Comme Mouna n’aime pas l’oisiveté, elle a déjà trouvé le job idéal pour une jeune retraitée: surveillante d’écoliers pendant l’heure du dîner. Elle recevra une formation de deux semaines avant le début de sa nouvelle carrière.
Mouna dit: "Je veux être active jusqu’au jour de mes funérailles. Le travail donne un sens à ma vie. Les vacances, c’est pour les fainéants. " C’est pourquoi Mouna haïssait les vacances imposées par son premier employeur. Pour échapper à l’ennui des jours oisifs, elle cherchait des emplois occasionnels pour remplir le vide abyssal où elle était involontairement plongée.
Exacerbé par son sens aigu du devoir et jaloux de son dévouement sans faille à tous ses employeurs, je lui pose une question politiquement incorrecte: "Que se passera-t-il le jour où vous n’êtes plus capable de travailler ?". Imperturbable, elle me répond: "Ce jour-là, je me suiciderai."