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Journal d'un nomade

Restless, shifting, fugacious as time itself is a certain vast bulk of the population of the red brick district of the lower West Side. Homeless, they have a hundred homes. They flit from furnished room to furnished room, transients forever - transients in abode, transients in heart and mind. They sing "Home, Sweet Home" in ragtime; they carry their lares et penates in a bandbox; their vine is entwined about a picture hat; a rubber plant is their fig tree. (O. Henry)

Deux fantômes du passé

« Bien joué mais on répète »
 
Farid et Kader croyaient que leur amitié était éternelle. Ils ont partagé pendant quatre ans la même chambre au foyer universitaire. Ils sont restés des amis inséparables jusqu’au moment où Farid décide de quitter l’Afrique pour l’Europe, puis l’Amérique. Kader décide de rester surtout qu’il vient de commencer une brillante carrière d’administrateur public. Avec un logement et une voiture de fonction, que cherche-t-il de plus ? Leur amitié n’a pas résisté aux effets dévastateurs du temps. Un jour, le hasard réunit les deux vieux amis dans la salle d’attente d’un aéroport européen. Kader, promu au grade de directeur général, était en mission. Farid le nomade était en Europe pour participer au marathon de Bruxelles. Farid a mis du temps avant de reconnaître cet homme cravaté qui agitait la main et criait : "Farid, Farid !". En effet, Kader, ancien coureur, est devenu une énorme boule de graisse. Kader fut le premier à poser la question classique :
-          Alors que deviens-tu ?
-          Rien.
-          Ah !
-          Ah !
-          Tu arrives à t’en sortir, quand même ?
-          Non, pas vraiment.
-          Tu as l’intention de changer de vie ?
-          Non. J’en ai assez de changer de vie. C’est toujours la même vie qui revient avec un masque différent.
-          Alors tu dois changer toi-même !
-          Si je change moi-même, alors qui deviendrais-je ?
-          Tu deviendras, peut-être, quelqu’un.
-          Quelqu’un qui ?
-          Quelqu’un qui réussit sa vie, quoi !
-          C’est quoi "réussir sa vie" ?
-          C’est ne pas la rater, bon sang !
-          Mais j’ai réussi à rater ma vie. C’est déjà une réussite, non ?
-          T’es fou ou quoi ? Regarde-moi, imbécile !
-          Ok, je ne vois rien.
-          Tu ne vois pas que j’ai réussi ma vie. Ce costume que je porte vaut 2000 euros. Et toi, tu te balades encore avec un sac à dos plein de bouquins jaunis.
-          Et combien vaut ce ventre protubérant ?
-          Cette discussion est absurde. Au revoir et bonne chance !
-          Mais je ne cours pas derrière la chance. C’est plutôt elle qui me court derrière. Dieu merci, elle n’a jamais réussi à m’attraper !
          
Malgré l’abysse spatio-temporel qui les sépare, les deux fantômes du passé s’embrassent de nouveau.
Soudain, quelqu’un surgit de nulle part et crie: " Coupez ! Coupez!". Puis il s’adresse aux deux acteurs encore enlacés : "Bien joué mais on répète." 

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